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                 C'est bien d'un enterrement au sens propre que je vais vous parler, et même d'un "auto-enterrement".

                  On s'imagine que la terre avale tout ce qu'on lui jette : canettes de bière, mouchoirs en papier, voire carcasses de machines en tout genre... ce qui est tout à fait faux. La pauvre ne peut ingurgiter tout ça.

                   Mais les corps inanimés, ça oui ; et j'en ai été le témoin effaré, bluffé !

                    On nous a dit : "Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière", ce qui est une belle formule mais à mon avis présent sans doute mal traduite. En effet il faudrait dire : "Souviens-toi que tu es terre et que tu retourneras à la terre". La poussière est trop sèche pour permettre l'alchimie de la décomposition et de la transformation ; et nous enfermer dans des cercueils eux-mêmes insérés dans des caveaux empêche totalement le processus.

                    À l'automne dernier, tandis que je promenais Indya dans le quartier HLM voisin, qui offre de beaux espaces arborés avec des chemins gravillonnés, voici que je découvris au sol un rat mort. Effrayée, je l'évitai et fus soulagée de voir ma chienne en faire autant.

                   Je pensais qu'il allait être enlevé de là par le gardien, mais il n'en fut rien.

                  Cependant, à chaque fois que je repassai par cet endroit, je remarquai que le cadavre s'aplatissait et, à la faveur des pluies abondantes, perdait de plus en plus de sa corpulence au point de disparaître dans le sol. J'avais l'impression de le voir s'enfoncer, comme si la terre l'avalait peu à peu...

                   Le mois dernier, il ne restait plus que sa forme dessinée sur le gravier.

                     Et ce matin, quand je me présentai avec un appareil pour le photographier, on ne voyait quasiment plus rien, car de l'herbe avait déjà repoussé : il fallait savoir qu'il y avait eu là quelque chose !

     

    Rat enfoui

                  

                J'ai été comme attendrie de la manière douce et enveloppante avec laquelle la terre avait repris le petit animal, en son sein, en sa vie, en son cœur, en son amour.... Couché là, endormi, il était couvert maintenant par l'élément qui l'avait porté et puis repris.

     

     


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    Merle noir - photo Malene Thyssen
    (Image issue de Wikipedia)

     

     

             Un couple de merles habite dans mon jardin, depuis plusieurs années.

              Je les vois sautiller par ma fenêtre à la recherche de nourriture, lui noir de jais avec son bec orange, elle plus effacée, grisâtre au bec noir. Ils sont souvent ensemble et fouillent la mousse qui envahit mes espaces herbeux pour dénicher les insectes ou les vers dont ils se nourrissent.

              Et voici que même en ce mois de février, depuis que nous avons de beaux soirs achevant de belles journées, lorsque je ferme mes volets je l'entends chanter, lui, perché sur le faîte d'un toit ou au sommet d'une antenne.

              Quelle douceur, quelle générosité dans ce chant qui remplit de confiance et de joie !

               Mais dès que je reviens avec mon appareil photo pour essayer de l'enregistrer, hop ! Il s'envole ; comme s'il savait qu'on allait fixer sur une machine tout l'amour qu'il déverse sans compter, instinctivement, depuis son cœur, sa foi en la Vie...   

               Rien de ce qui vient du Ciel ne peut être mis en boîte.

               Heureux celui qui entend, qui perçoit juste au bon moment ce chant jubilatoire, flûté, rempli de trilles et d'inflexions variées, ce chant de gratitude qui s'élève des cimes de notre monde jusqu'aux premières étoiles !  

           Par la suite, tout l'été il nous sera possible de profiter de ces concerts à chaque crépuscule.

     

     

     


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    Où va la Langue Française ?
    (Photo issue du site "Sarthe Tourisme" - Musée du Grez)

     

                 Quand je suis née, on apprenait encore consciencieusement le français, avec force récitations et analyses de grands textes répertoriés dans de jolis manuels.

            Mais on disait déjà aussi "ticket", "hotdog", "leader" et d'autres mots dits "de franglais", qui se mirent à proliférer tant que Léo Ferré leur consacra dès 1962 une chanson intitulée "La Langue Française", pleine d'humour et du charme heureux de sa notoriété montante  (voir ici l'album d'origine et là la chanson avec son texte).

             J'ai réussi à suivre ces néologismes quelque temps, mais le vocabulaire anglais ne cessa de s'étendre dans notre langue, notamment à travers le développement de l'informatique et la mondialisation des entreprises, au point que je finis par ne plus rien comprendre parfois, tandis qu'en contrepartie je voyais le français se déliter de plus en plus...

          Les Québécois avaient pourtant eu la bonne idée de chercher des substituts français aux termes anglo-saxons, comme "chien-chaud" pour hot-dog, mais nous en France continuâmes à nous enfoncer, si bien que les jeunes français ne savaient plus s'il fallait écrire "language" ou "langage", les deux se ressemblant fort à la lecture.

             J'ai appris à utiliser les mots "coach", "deal", à comprendre "open", "smash", mais beaucoup de termes sportifs me restent indéchiffrables. Et comme ils fleurissent dans les grilles de mots fléchés, je ne parviens même plus à venir à bout de celles-ci.

            Et voici que maintenant c'est le tour de titres de films ou même de livres d'origine américaine, sans que la traduction en soit donnée ! Comment fait-on, si l'on ne parle pas l'anglais ?

             Pauvre disciple à l'ancienne, élevée dans le culte de la langue allemande à cause de son architecture grammaticale, et des langues anciennes (le latin et le grec en tant que berceaux de notre culture), j'ai découvert l'anglais "sur le pouce", par nécessité, mais sans jamais le pratiquer si bien que j'y reste noyée.

              Aussi suis-je hors de moi quand je rencontre des offenses à nos belles étymologies classiques, ou découvre même dans le Journal télévisé que certains reporters omettent l'inversion du sujet dans des phrases interrogatives.  Je me désole aussi de constater que la prononciation de certaines syllabes s'y modifie, par exemple que l'on ferme une voyelle qui précède une consonne redoublée, alors qu'elle devrait être ouverte.

    Où va la Langue Française ?
    (Tiré de la Revue "l'Actualité")

             Mais il est vrai que tout évolue et je suis la première surprise et amusée lors de rediffusions de documents ou de films datant des années 50 ou antérieures, et que je remarque l'inflexion chantante des voix parlées à l'époque. Cela me rappelle la réflexion de mes premiers correspondants allemands qui, lorsque je leur demandais comment était l'accent français, me répondaient : "Les français ? Ils chantent !..." Aujourd'hui je constate que c'était bien le cas.

              Il est certain que notre langue a beaucoup changé depuis Molière, aussi bien dans le sens des mots, dans l'architecture des phrases, que dans la prononciation. Et que dire des siècles précédents, où Joachim Du Bellay publiait un ouvrage intitulé "Défense et Illustration de la Langue Française", car à l'époque c'était par le latin que le français était éclipsé !

              Il y a un siècle, comme je l'évoquais au début de ce billet, l'école était garante du bon apprentissage du français. Mais à cette époque l'enseignement public de base se limitait au français, aux mathématiques, à l'histoire-géographie et aux sciences naturelles : on avait donc toute latitude pour approfondir cette étude. Alors qu'aujourd'hui, où nous sommes submergés par les nouvelles technologies et où nous souhaitons donner au sport une meilleure place, sans oublier l'incontournable étude de l'anglais, nous ne trouvons plus le temps nécessaire à la bonne pratique du français.

             Soyons donc philosophes : la multiplication des langues fut, dit-on, imposée aux hommes pour éviter qu'ils ne détrônent Dieu dans leur effort commun de monter à l'assaut du ciel1... Aujourd'hui, revenir à une langue unique nous rapproche et nous permet de travailler de nouveau ensemble, mais cette fois pour le bien de l'humanité.

              Mais prions pour que nos logiciels de correction deviennent de plus en plus intelligents et cessent de déformer nos propos au lieu de les corriger... !

     

    Où va la Langue Française ?
    (L'Écho Républicain - Chartres)

     

     

    1 Mythe de la Tour de Babel.

     

     


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    Frapesle

     

     

    Près du parc de Frapesle

    Gigantesque domaine où séjourna Balzac

    Sous les arbres immenses

    Bordés là d'un ruisseau

    Et ici d'un long mur

    Semés de cimes vertes sous le ciel d'azur

     

    Passèrent deux cavaliers

    Droits sur leurs chevaux bais

    Magnifiques jumeaux marchant d'un pas tranquille

    En route vers l'enclos qui mène au vieux château

    Où sont leurs écuries

     

    Éblouis

    Rentrant de promenade

    Nous avons arrêté la voiture

    Pour les regarder

     

     

    Ecuries de Champfort-Issoudun

     

     

     


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             Connaissant mon intérêt pour les livres de sagesse, ma fille vient de m'offrir un pavé de près de 500 pages qui réunit trois œuvres de Paulo Coelho : Maktub (dérivé de l'arabe "c'est écrit"), Manuel du Guerrier de la Lumière, et Le Manuscrit Retrouvé.

     

    Maktub de Paulo Coelho

     

          J'ai donc commencé à en lire la première partie. C'est un ensemble de textes composés pour une revue à la demande de son directeur, et que l'auteur à l'origine ne pensait pas publier. Mais il s'y est senti poussé par l'intérêt qu'y ont porté ses lecteurs, par leurs commentaires enthousiastes. En puisant dans différentes traditions il y avait rédigé de courts récits mettant en scène un disciple et son maître, un voyageur et un berger, un étranger et le père supérieur d'un monastère, etc... pour apporter la lumière sur telle ou telle question fondamentale de l'existence et du rapport de l'Homme à "Dieu" - en qui l'on sent d'emblée la foi prépondérante, puisqu'en exergue de chacun des trois titres de la trilogie il cite une phrase de l'évangile de Luc.

          Au fur et à mesure de ma lecture j'ai eu de plus en plus envie d'en citer pour vous un passage. Mais cela reviendrait à recopier entièrement l'un des textes, ce qui est peut-être à la fois long et inacceptable vis-à-vis de l'éditeur.

          Voici donc simplement la conclusion d'une scène entre un Visiteur et un Père Abbé, dans laquelle le premier s'inquiète des pensées coupables qui pourraient l'éloigner de l'amour de Dieu, tandis que le second compare ces pensées au vent, que l'on ne peut saisir et qui vaque à sa guise.

    « De la même manière, il est impossible de ne pas avoir de pensées qui offensent Dieu, répondit l'abbé. Mais si vous savez dire non à la tentation, elles ne vous feront aucun mal. »


           J'aime bien aussi le texte qui précède celui-ci, mais que je ne peux citer intégralement. Coelho évoque adroitement la chenille, qui se prend pour la  plus misérable des créatures et qui s'alarme lorsque la Nature lui demande de se tisser un cocon. Persuadée qu'elle tisse son propre linceul, elle s'adresse à Dieu et clame son désespoir, puis se laisse mourir... C'est alors qu'elle se retrouve plus magnifique que jamais : papillon ! Oui, la parabole a peut-être été souvent répétée ; mais combien elle montre la nécessité d'un abandon total pour vraiment connaître la magnificence de Dieu (ou du Divin en général) ! Et comme l'Amour qui nous est témoigné y est mis en Lumière avec la démonstration que c'est au bout de la nuit la plus noire et du désespoir le plus profond que jaillit l'Aube du Jour Parfait !

             Ailleurs encore cette belle métaphore énoncée par un maître à ses disciples :

    « - Le chemin spirituel est à l'image du feu qui brûle devant nous, dit-il. L'homme désireux de l'allumer doit s'accommoder des désagréments de la fumée qui nous fait suffoquer et monter les larmes aux yeux (...)

     - Et si quelqu'un allumait le feu pour nous ? demanda l'un des disciples. (...)

     - Celui-là serait un faux maître (...) ; puisqu'il n'aurait appris à personne à l'allumer, il serait capable de laisser tout le monde dans l'obscurité. »


        Ainsi ces petits textes, pour simplistes qu'il paraissent, charment par leur aspect authentique, l'impression de voyager au fil des cultures pour en retirer les plus merveilleuses pépites de sagesse.

     

     

    Lotus

     

     


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